Un cas d'école : la "villa Verveine" à Ault

Il peut arriver qu'on soit tiraillé quand on est un élu local. J'ai, dans mon cercle proche, une artiste, Caroline Dahyot, qui vit à Ault, petite ville sur les côtes la Manche, à la fois station balnéaire et poche de pauvreté dans une région, la Somme, presque désertée par l'emploi. Cette amie est entière dans son expression, elle ne  peindrait ni biches s'abreuvant dans des étangs, ni jolis paysages provençaux, ni marines, c'est tortueux, torturé. Ses œuvres sont un véritable baromètre rendant compte de sa météo émotionnelle.

Dans son parcours, elle s'est retrouvée propriétaire d'une maison à Ault. Une sorte de "sam'suffit" très modeste au demeurant, dans un alignement de maisons de ville. Les premiers propriétaires, voulant arborer les signes d'appartenance à une bourgeoisie à laquelle ils n'étaient parvenus que sur le seuil, lui ont donné le nom de "villa Verveine". Une plaque émaillée en témoigne.

Et voilà que ce lieu évoquant la tranquillité, le calme... le trop calme raplapla, se retrouve secoué par les pinceaux, le cerveau, le besoin d'expression de la dame. La maison est devenue le support de l'expression de Caroline, intérieur comme extérieur... Et l'on voit bien ici qu'on est en France. La démarche attire un certain nombre de gens, curieux, qui entrent en contact avec l'artiste. D'autre, se plaignent. La Maire ne trouve pas cela à son goût.

Affaire de personnes ? Non, fort de l'attirail réglementaire et conseillée par des techniciens avisés, elle, la maire, sort un parapluie réglementaire, légaliste et rigoureux. Une sorte de truc imperméable à tout argument autre que le respect de la loi.

C'est là que l'on constate les limites de cette démarche. Sur quoi s'appuie la maire : sur l'adéquation du "traitement de la façade avec le caractère des lieux"(sic). A Ault, nous ne sommes pas du tout en zone historique ou en  lieu préservé, là il aurait été compréhensible d'intervenir. Non, c'est une rue plutôt morne et fade, où l'on remarque bien la villa, espace de fantaisie sur la rue, point de couleur sur cette muraille grise qui cache la mer sur près de 200 m.  Le problème est qu'on est en plein dans la légalité... et que celle-ci est absurde par son côté rouleau compresseur normatif. Si la façade aurait été vert pistache, il en aurait été de même : pas le droit de sortir d'une norme tristounette. Ta maison doit pas sortir du lot, tu dois te lover dans le moule établi, ton goût , ta conviction, on n'en a cure. J'ai vu des crépis de couleur vive, même vert pistache... mais en Alsace, pas ailleurs.

Dans notre coin, les maisons sont conformes à ce bon goût convenable. Pourtant, certaines parfois sont très fertiles en nains de jardin, j'en connais une, à Valmondois, si densément occupée que le toit en est envahi, victime sans doute de la surpopulation. A Auvers, un habitant orne tellement son jardin et sa maison, avec outrance diraient certains, qu'elle a été l'objet... d'un reportage dans une revue de décoration, enfin, à Méry, avez-vous remarqué quel soin prend l'entreprise d'enseigne pour accrocher le regard sur la porte de son atelier, et combien on se laisse prendre à y porter une plus grande attention. Ce sont ces détails que l'on repère, pas le "sam' suffit"... et qui relèvent notre quotidien, comme une épice peut le faire d'une insipide bouillie, même si l'on peut pester contre.

J'aurais été élu à Ault, j'aurais fait plus œuvre de médiation que de répression. Si un tel cas adviendrait ici, à Méry, telle serait ma démarche. En tous cas, ici, je soutiens mon amie. Vous pouvez le faire aussi...

Comments

[hv]

on ne voit rien de la côte... et s'il fallait faire disparaitre tout ce qui est laid, le rivage ne serait qu'un vaste chantier de démolition...

[targus]

c'est très laid et défigure la côte

[natdia]

voilà qui fait plaisir à lire...